Bien sûr, c’est une histoire de mots. Ceux des auteurs, des autrices, au commencement. Tracés dans un carnet, un cahier d’écolier peut-être, ou qui apparaissent sur l’écran d’un ordinateur. Ils sont là. Ils existent. Passent le tamis de la relecture, ou non. Sont encore là au moment de la publication – ce passage du manuscrit à l’oeuvre – quelques mois plus tard, à moins d’être les victimes collatérales d’une phrase reconstruite, améliorée. Mais leur absence est encore une trace de leur existence, du moins dans l’esprit de leur auteur. 

Et puis ces mots ont une deuxième vie. Cette fois, sous les yeux d’une lectrice un soir d’automne dans les transports en commun, sous les yeux d’un lecteur le matin avant de partir au travail. Dans un roman d’il y a deux siècles qui raconte la vie des ouvriers de Manchester, dans une Histoire de l’Autriche qui court sur 1000 pages ou dans un texte sur l’univers du tapis. Ils laissent alors en nous une trace, nous habitent. C’est à cette deuxième vie que va être désormais consacré l’entretien du jour: et si nous écoutions des lectrices, des lecteurs, parler d’eux? Et nous interroger aussi: après tout, quels lecteurs sommes-nous?