L’invité : Bertrand Jarry, formateur académique en éducation prioritaire et conseiller principal d’éducation
Ecoutez le podcast (1h30)
Bertrand Jarry participe activement à la diffusion et la mise en œuvre d’une éducation à l’empathie – par le corps
Cette émission de rentrée aura du reste cette double ambition puisque elle vous propose de réfléchir sur l’empathie mise au service de l’acte éducatif via le corps. Pour cela nos trois mousquetaires de Points de vue, j’ai nommé Olivier Lhostis, libraire et psychanalyste, Dominique Desmichelles médecin généraliste et psychanalyste et Gabriel Sebban, psychosociologue, ont choisi d’inviter Bertrand Jarry, formateur académique en éducation prioritaire et conseiller principal d’éducation. Bertrand Jarry participe activement à la diffusion et la mise en œuvre d’une éducation à l’empathie – par le corps – au sein des établissements scolaires. Il est aussi le co-auteur avec Omar Zanna d’un ouvrage paru chez Dunod et intitulé « Cultiver l’empathie à l’école ».
Apprendre n’est pas qu’une question de cerveau et d’apprentissage ; cela dépend aussi du corps
Rentrée scolaire oblige, nous voici ce soir avec un sujet d’actualité : comment apprendre ? Car apprendre est une drôle d’affaire. Cela prend de nos jours souvent quasi 20 à 25 ans (un tiers de la vie ?). Tant le savoir et le rapport au savoir ont changé.
L’érudit Montaigne avait 1000 ouvrages dans son exceptionnelle bibliothèque ; Diderot et D’Alembert dans leur Encyclopédie proposaient 72 000 entrées, Wikipédia fonctionne grâce à 100 000 collaborateurs avec environ 30 millions d’articles le plus souvent très élaborés. Nietzsche disait que si nous pouvions discuter avec un Grec du temps du Grand Siècle, nous le trouverions probablement inculte tandis que lui nous qualifierait d’encyclopédie sur pattes. Big Data, c’est 29 000 gigaoctets d’informations publiées dans le monde, chaque… seconde !
Alors, chers auditeurs, pour apprendre, que choisissez-vous d’habitude dans votre quotidien ?
Un petit mot autour de John Dewey pour faire la transition avec notre invité qui a bien fréquenté son œuvre. La devise de cet américain de Chicago, c’est : « Learning by doing » : on apprend en faisant. Il s’oppose surtout à la séparation des savoirs et des pratiques ; c’est un pragmatique. Laissant de côté les « documents », il parie sur les activités : c’est dans l’activité que les savoirs se mobilisent. Rousseau disait qu’il faut apprendre à l’enfant à faire du pain, à survivre sur une île déserte. Dewey ne sépare pas la nature et la culture, son projet est collectif et social. Il invite à chercher, à enquêter, pour apprendre, c’est-à-dire pour se préparer à être libre. Car, souvent, le système scolaire n’apprend guère à réfléchir mais bien plutôt à répéter : il faut faire ce que les enseignants attendent. Pourtant l’enfant est capable d’abstraction, de représentations globales. Poincaré précisait : « Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes qui, l’une comme l’autre, nous dispensent de réfléchir ».
Et puis, apprendre, c’est quoi ? Condorcet soutenait que l’Etat, à travers l’ordre public, devait uniquement instruire, c’est-à-dire enseigner des « vérités de fait », c’est-à-dire ne jamais éduquer : pas question de se prononcer sur la vie bonne ou sur les valeurs. Mais il existe de nos jours des cours de morale et d’instruction civique à l’école. Mais ce n’est pas le sujet de ce soir ! Même si nous devons garder à l’esprit la vastitude du sujet !
Ce soir, nous allons voir combien apprendre, ce n’est pas qu’une question de cerveau et d’apprentissage ; cela dépend du corps, du sommeil, du contexte social et de plein d’autres choses. Mais d’abord du corps.
Une émission enregistrée en public à l’Esperluete à Chartres