« Alors que la maladie gagnait du terrain, Dominique Desmichelle a tenu à entamer une série d’émissions sur le sens de la vie. Même si elle restera inachevée, les derniers numéros enregistrés représentent un formidable testament radiophonique, un concentré de ce qu’était Dominique, de sa pensée, de ce qu’il a entrepris de faire tout au long de son existence et un hymne à la vie qui sera pour beaucoup source d’inspiration et d’action. » Emily Glory
Le texte qui suit est de Dominique Desmichelle
Au moment où je prépare cette émission, l’année 2024 commence. Et ce n’est pas très joyeux. L’horizon semble bouché, l’avenir fracturé, l’espérance durablement blessée. Les tensions géopolitiques, le soufflet retombé des révolutions arabes, la montée de l’extrême-droite, l’arrivée au pouvoir – parfois légalement – de dictateurs, la brutalité des impérialismes, la résurgence de totalitarismes, l’émergence d’un déni de la véracité des faits… semblent même presque faire oublier l’urgence écologique. Une forme de pessimisme s’infiltre au cœur de nombreuses personnes, l’éco-anxiété gagne et fait des ravages ; nous ne pouvons plus nous projeter dans le futur et même le consumérisme ne fait plus office de cache-misère. Les Français veulent moins d’enfants et certains n’en désirent plus du tout. Chaque jour montre combien la consommation remplit et même sature dramatiquement tout désir et occulte dramatiquement tout émergence nouvelle d’un projet vivant. Nous voilà comme emprisonnés puisque l’avenir s’est refermé. Nos rêves ont perdu toute validité potentielle ; ils résonnaient dans un temps futur, mais voici qu’un horizon libre et solaire semble avoir disparu en ayant peu de chances d’émerger à nouveau. L’Histoire semble avoir perdu tout sens.
Alors, plus que « la vie a-t-elle un sens », ne faut-il pas conclure en se demandant comment donner du sens à sa vie ? J’ai pu évoquer trois pistes à explorer :
Il nous faut probablement traverser ces temps difficiles, nous y confronter en affrontant cette part sombre qui semble posséder l’humanité contemporaine, en prenant au sérieux le malheur du monde, sans le nier. Et déployer nos énergies pour habiter autrement nos vies et notre planète. En traversant ces turbulences extrêmes sans avoir trop peur.
Les mauvaises langues disent que le mot utopie – u-topos – signifie croire naïvement en ce qui n’a jamais de lieu ; ceux qu’animent le désir de rester vivants affirment que cela porte en germe le fait de croire que cela n’a pas encore eu lieu mais qu’il faut y aller. Cela ne peut se concevoir que dans une critique radicale du monde en cours, en étant prêt à une épreuve rude, emplie probablement de frugalité et de partage. L’espérance ne vieillit pas : la fin de notre monde ne signifie pas la fin du monde. Ne soyons pas résignés, ce serait acter que nous sommes déjà morts. Ouvrons les possibles car, s’ils restent souvent à définir, à inventer, ils sont infinis et potentiellement porteurs d’une vie nouvelle au cœur d’une humanité nouvelle. Je terminerai avec une parole de Paul Ricoeur : « Du fond de la vie, une puissance surgit, qui dit que l’être est être contre la mort. Croyez-le avec moi ».
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